« C’est notre devoir de faire entendre notre voix »
Depuis 2014, Handicap International intervient en Irak, aussi bien auprès des déplacés irakiens que des réfugiés syriens. Au Kurdistan, l’association a développé un projet régional visant à faire émerger des représentants syriens à même de promouvoir les droits des personnes handicapées et blessées qui ont fui les combats en Syrie et trouvé refuge dans les pays de la région.
Badria et son fils, lors d’une réunion du projet de renforcement des capacités des personnes handicapées et blessées au sein de la population syrienne. | © Elisa Fourt / Handicap International
Un après-midi ensoleillé, dans le camp de Darashakran, au Kurdistan irakien. Ici vivent plus de 10 000 réfugiés syriens depuis l’ouverture du camp, il y a près de trois ans. Handicap International y organise régulièrement des séances dans le cadre d’un projet d’aide aux personnes handicapées et blessées parmi les réfugiés syriens. Cette initiative vise à aider ces personnes à faire entendre leur voix par le biais de représentants, afin de défendre leurs droits. Dans une situation de crise aigüe, les personnes handicapées et blessées sont souvent les laissées pour compte de l’aide humanitaire, et pour Handicap International, il est essentiel de leur donner la possibilité de s’exprimer.
Dans une salle mise à disposition par l’association, des habitants se regroupent pour discuter des avancées de leurs actions et des initiatives qu’ils souhaiteraient mettre en place dans les mois à venir. Royaida, 22 ans, anime la session. Impliquée dans ce projet depuis plusieurs années, cette jeune femme, qui se destinait à une carrière d’avocate en Syrie, essaie désormais d’aider les autres réfugiés qui ont fui le pays, comme elle et sa famille. Elle habite dans le camp depuis plusieurs années et a graduellement vu la situation changer. « Avec la crise irakienne qui a pris de l’ampleur, les associations qui nous venaient en aide au début ont commencé à rediriger leurs actions au profit des Irakiens… Cela se comprend compte tenu de la gravité des évènements, mais cela nous oblige aussi à nous mobiliser de nous-mêmes, pour nous assurer que la condition des réfugiés syriens, et d’autant plus celle des réfugiés handicapés, ne soit pas oubliée. »
Badria, 45 ans, semble partager l’avis de la jeune Syrienne. Cette mère de famille, qui a fui la Syrie avec son fils handicapé pour éviter qu’il ne soit enrôlé de force dans des groupes armés, explique : « Si l’on ne lutte pas pour nos droits, qui le fera ? C’est notre devoir d’aider les personnes handicapées et de faire entendre notre voix. » Badria a fait de l’aide aux personnes handicapées l’une de ses priorités. Elle lutte aussi pour les droits des femmes Syriennes et pour d’autres causes qui lui tiennent à cœur.
« Beaucoup de gens pensent qu’une femme de mon âge devrait passer ses journées à la maison, mais je ne suis pas de cet avis. Je veux faire mon possible pour améliorer notre situation et nos conditions de vie. » Elle jette un regard ému vers son fils et ajoute : « Ma principale source de motivation, c’est lui. » Il se déplace en fauteuil roulant, ce qui rend ses mouvements difficiles au sein du camp. « Nous sommes les seuls à pouvoir réellement comprendre quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes handicapées ici, car elles ont un impact conséquent sur nos vies de famille. Mon seul espoir aujourd’hui n’est pas de retourner en Syrie, mais de faire mon possible pour aider mon fils et les personnes comme lui. »
Dans un coin de la pièce, Hassan, 41 ans, écoute attentivement les propos de Badria. Père de deux enfants handicapés, il a aussi fui la Syrie dans l’espoir de leur garantir un meilleur avenir. « C’est également mes enfants qui m’ont donné l’envie de m’impliquer dans ce projet. Je voulais porter leur voix et montrer aux personnes de notre communauté à quel point ils souffraient. A travers mon engagement, j’ai l’impression d’aider mes enfants. Le mois dernier, nous avons organisé un pic-nic avec les autres membres du projet. Même si cette initiative parait minime, ma fille ainée en a vraiment profité. Elle a pu socialiser avec d’autres enfants de son âge et j’étais ravi de voir un grand sourire sur son visage. » Assis à côté de son fils, Hassan reconnait que les moments de joie et de frustration se succèdent : « Parfois, j’ai envie de crier au monde de venir nous rendre visite. Je voudrais que les gens comprennent les conditions dans lesquelles on vit ici. Mais les médias n’en parlent pas et à l’étranger, on ne comprend pas nos difficultés... Le fait de voir des associations comme Handicap International se soucier de la condition des personnes handicapées me rassure tout de même. Cela me donne l’envie de m’impliquer et de ne pas abandonner. »
Dans le cadre du projet, Badria, Hassan et les autres membres du projet portent la voix des personnes handicapées et blessées dans le camp, et s’assurent que les structures que l’on y trouve prennent en compte les besoins des plus vulnérables. Le projet est actuellement implémenté dans deux gouvernorats du Kurdistan Irakien (Dohuk et Erbil), ainsi que dans les autres pays voisins affectés par la crise syrienne.
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