Haïti : le tremblement de terre réveille le traumatisme de 2010
Sibille Buehlmann, spécialiste en réadaptation chez Handicap International, raconte la situation en Haïti après le tremblement de terre du samedi 14 août 2021.
Devant les décombres d'un hôtel après le tremblement de terre du 14 août 2021 aux Cayes, dans le Sud-ouest d'Haïti | © Stanley LOUIS / AFP
Les bilans actuels font état de plus de 1.400 morts, 6.900 blessés et des dégâts importants dans le Sud-Est du pays. Sibille BUEHLMANN témoigne depuis Port-au-Prince de la situation actuelle dans le pays.
Une population traumatisée
Le tremblement de terre a été ressenti dans tout le pays. Juste après la secousse, tout le monde est sorti dans la rue, à l’extérieur des bâtiments, pour se protéger des possibles effondrements. C’est la consigne de sécurité ici en cas de séisme.
Les réseaux de téléphonie mobile ont très vite été saturés. Tout le monde prenait des nouvelles des proches. Chez HI, on s’est tout de suite renseignés sur la situation de chaque membre de l’équipe. Tout le monde allait bien.
Des répliques ont eu lieu la journée et jusqu’à tard dans la nuit. C’est épuisant. Pour beaucoup, en plus des morts et des blessés, le tremblement de terre réveille le traumatisme de 2010 avec le terrible séisme qui a tué plus de 200.000 personnes. J’ai des amis dans le Nord du pays qui ont dormi dehors la nuit par peur des secousses.
Haïti touchée par des crises multiples
Le tremblement de terre de samedi est un véritable coup dur. Sur les réseaux sociaux, on voit que la population est abattue par les catastrophes en chaine : Pourquoi nous ? Pourquoi devons-nous subir tout cela ? La situation ne fait que de se dégrader depuis deux ans environ avec une insécurité marquée par la guerre de gangs, qui semble incontrôlable, et une violence politique arrivée à son comble cet été avec l’assassinat du Président. Nous vivons dans un climat très anxiogène et le tremblement du 14 août est une épreuve de plus.
Jusqu’à récemment, la principale route au sud de Port-au-Prince (qui permet d’accéder au sud du pays) était une véritable zone de guerre. Elle était coupée. Nous avons dans cette zone une plateforme logistique maritime que nous pourrions utiliser pour acheminer de l’aide humanitaire. Nous étudions cette possibilité…
La rééducation est quasi vitale
Nous envoyons une équipe pour évaluer les besoins. Pour HI, la priorité sera la rééducation post-opératoire : assurer la rééducation des blessés qui ont eu une opération chirurgicale. Dans un pays comme Haïti avec une population très pauvre et très vulnérable, qui a peu de moyen de se déplacer, l’enjeu est de rendre accessible l’aide humanitaire : souvent, dans ce type de situations, nous installons souvent des postes avancés de rééducation au sein même des communautés. Organiser des équipes mobiles qui assurent des tournées dans les villages est aussi une option. Cela permet d’aller directement auprès des personnes qui ont besoin de rééducation. En plus, nous apportons souvent un soutien en rééducation aux équipes médicales dans les hôpitaux : soit en renforçant leurs effectifs, soit en les conseillant pour une bonne prise en charge en rééducation.
Depuis 2010, Handicap International est un acteur majeur de la rééducation en Haïti. L’association a permis de structurer les services de rééducation nationaux qui étaient quasi-inexistants il y a dix ans.
À l’heure actuelle, les hôpitaux du Sud-Est sont débordés par le flux de blessés et dans ce genre de situation le risque d’infection à cause du manque d’équipes médicales et d’équipements médicaux est très élevé. Le risque pour les personnes avec des fractures qui ne se font pas opérer ou mal opérer, c’est d’avoir des séquelles invalidantes.
Mais même après une opération qui s’est bien passée, la rééducation est essentielle pour regagner la mobilité des membres touchés, au bras ou au jambe. En Haïti, les personnes ont presque tous un travail manuel : cultiver un lopin de terre, réparer des objets en tout genre, être main d’œuvre payé à la journée… La mobilité physique est quasiment vitale pour avoir un revenu à apporter à la famille.
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