Ukraine, 1000 jours après : les civils sont les premières victimes de la violence armée
Le 20 novembre marque les 1000 jours depuis l’escalade de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’impact de cette guerre sur les civils est catastrophique à plusieurs niveaux. Décryptage.
Bâtiment d'infrastructure civile (un centre médical) détruit dans la ville de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, au Nord-Est du pays | © M.Monier / HI 2024
L’ensemble du territoire ukrainien vit toujours sous la menace des raids aériens, l’Est et le Sud du pays sont particulièrement en proie aux bombardements.
Une recrudescence des bombardements depuis le mois de juillet dernier
La recrudescence des bombardements, notamment depuis le mois de juillet dernier, cause toujours plus de victimes. A titre d’exemple, au mois de septembre dernier, 208 personnes sont mortes et 1220 ont été blessées. Sur ce même mois, 45% des victimes sont des personnes âgées de plus de 60 ans.
En Ukraine, à l’heure actuelle, des milliers de personnes n'ont pas d'électricité, de gaz ou d'eau et peu d’accès à la nourriture. À cause des bombardements constants, ces personnes sont véritablement coupées du monde, dans les zones difficiles d’accès et proches de la ligne de front. L’arrivée de l’hiver sur le territoire ukrainien fait craindre une forte augmentation des besoins humanitaires, notamment car les installations énergétiques ont été impactées par les bombardements. Pour le seul mois de septembre 30 attaques d'infrastructures énergétiques ont été recensées.
« Au moins 27,449 personnes civiles ont été tuées ou blessées depuis février 2022, une très grande majorité lors de bombardements dans des zones urbaines. La commémoration de ces 1000 jours de guerre à grande échelle coïncide avec les 2 ans de la signature de la Déclaration politique EWIPA qui appelle les Etats à faire tout leur possible pour protéger les civils des conséquences des bombardements en zone peuplée. Il est urgent que des mesures concrètes soient prises pour stopper l'utilisation des armes les plus destructrices et indiscriminantes qui coûtent la vie à des milliers de civils, et que les survivantes et survivants aient accès à tous les services dont ils ont besoin. Pour cela, il est également essentiel que les humanitaires aient un accès libre, sûr et sans entrave à toutes les zones où des populations ont besoin d’aide, notamment à proximité des lignes de front ou de zones contaminées par des mines ou des restes explosifs de guerre où des milliers de personnes souvent âgées et vulnérables, vivent, isolées et abandonnées » insiste Célia Faure, responsable du plaidoyer en Ukraine.
Rupture d’accès aux soins de santé
Dans les zones à l’Est et au Sud, plus proches des lignes de front et difficile d’accès, la guerre a rendu quasiment impossible l’accès aux soins de santé. D’après l’OMS, dans un rapport du mois d’aout dernier, près de 2000 infrastructures de santé ont été endommagées ou détruites lors des bombardements.
Cette rupture d’accès aux soins concerne aussi les personnes déplacées, au moins 4 millions d’après les chiffres des autorités ukrainiennes.
« Les personnes handicapées et les personnes âgées sont les plus touchées, car pour la plupart elles ont dû quitter leur domicile pour se rendre dans d'autres régions de l'Ukraine, où les installations ne sont pas adaptées à leur situation. En plus de cela, elles ne reçoivent qu'un soutien limité de la part de leurs soignants habituels ou de leurs aidants », explique Roman Shinkarenko, responsable du projet Protection de HI, à Dnipro.
Nos équipes constatent aussi une augmentation des problèmes de santé graves comme le diabète, les AVC, les cancers… des pathologies qui ne sont pas prioritaires dans leur traitement en raison de la surcharge des hôpitaux, qui accueillent les blessés de guerre et au manque d’options thérapeutiques.
« Dans les zones nouvellement accessibles, HI constate également une réduction des services de transport public, ce qui limite la mobilité, en particulier pour les personnes handicapées » Illia Demianyk, responsable du projet Protection de HI, à Kharkiv.
La réponse de HI : HI fournit des services de réadaptation physique et fonctionnelle aux personnes porteuses de handicap, de blessures et de maladies chroniques. Il s'agit notamment de nombreuses personnes déplacées par le conflit, qui vivent dans des zones où l'accès aux soins de santé est très difficile. Près de 13 000 séances de réadaptation ont été conduites auprès de 4,100 personnes en Ukraine depuis 2022.
Un climat d’incertitude profond
Des millions de personnes ont aussi besoin d’un soutien psychologique. En plus de l’accumulation de stress intense, de traumatismes liés aux déplacements forcés, au deuil, aux séparations… l’ensemble des civils vit aujourd’hui dans un climat d’incertitude… Comment se projeter, comment construire un futur quand on ne sait pas ce qui va arriver la seconde d’après ?
« Psychologiquement, la population a dû apprendre à s'adapter, certaines consignes et règles de sécurité peuvent aussi l'aider à le faire dans un contexte de bombardements, d'alertes aériennes.... Cependant, tout le monde vit dans un climat d'incertitude... Nos équipes de psychologues ont identifié différentes « stratégies » mises en place par les personnes impactées pour « tenir » : augmentation de la consommation d'alcool, prise de médicaments sans ordonnance, ce qui met en danger la santé de ces personnes. Les personnes touchées par la guerre sont plus enclines à s'isoler, à transférer des émotions négatives sur les autres, à avoir une attitude négative face à la vie », détaille Diana Turchyn, référente technique en santé mentale et soutien psychosocial de HI à Kharkiv, en Ukraine
La réponse de HI : HI organise des groupes de soutien avec les communautés les plus vulnérables touchées par la guerre pour les aider à faire face aux traumatismes qu'elles subissent (stress accumulés, séparations, déplacements forcés, deuil), à partager leurs sentiments, à tisser des liens et à renforcer leur résilience. 2 585 séances (en groupe et en individuel) ont été proposées à 7 262 personnes depuis 2022.
La menace « invisible » de la contamination
Outre les effets désastreux sur la vie des civils, les pilonnages et les bombardements réguliers ainsi que le risque important de contamination par des restes explosifs de guerre limitent l'accès humanitaire et créé un sentiment de « menaces invisibles » au sein des communautés. Face aux dangers, certains civils n’osent plus se déplacer, ont arrêté de cultiver leurs terres, ont réduit drastiquement leurs loisirs, leurs sorties…
La réponse de HI : HI organise des séances de sensibilisation aux risques liés aux mines anti-personnelles et restes explosifs de guerre et des séances de préparation et de protection contre les bombardements pour les enfants, les adultes et le personnel des ONG. Objectif : réduire la vulnérabilité et accroître la résilience des populations locales, des personnes déplacées ainsi que des acteurs humanitaires touchés par les munitions explosives en raison de la guerre.
Des vulnérabilités qui s’accumulent
Les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, en particulier les femmes et les filles, sont touchés de manière disproportionnée par le conflit et sont confrontés à davantage de risques en matière de protection. Depuis l’escalade du conflit, les femmes ont un accès limité aux services spécialisés (aide juridique, services médicaux), notamment dans le cas de violences basées sur le genre. Leur situation socio-économique a également été fragilisée, du fait que de nombreux hommes sont mobilisés sur la ligne de front. Nombre d’entre elles se retrouvent seules à gérer leur ménage, les enfants. En raison des mouvements de population et de la situation générale en matière de santé mentale, le manque d’accès aux services et les risques de violence sexiste restent élevés. C'est particulièrement le cas dans les zones rurales, car les services sont concentrés dans les villes.
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