Mawj et Istabraq, premières femmes démineuses d’Irak
Brisant les barrières culturelles, Mawj Maad JarAllah et Istabraq Lazim Muhammed sont devenues en mars 2023 les premières femmes démineuses d’Irak. Témoins des horreurs provoquées par les engins explosifs, elles confient leur motivation et parlent de leur travail au quotidien.
Mawj (à g.) et Istabraq se préparent avant une opération de déminage. | © N. Mandalawi / HI
Handicap International mène actuellement en Irak des opérations de remise à disposition des terres à Baiji, dans le gouvernorat de Salah Al-Din dans le centre-nord du pays, et dans la province de Kirkouk, à majorité kurde.
Mawj et Istabraq ont rejoint l’équipe de déminage de Handicap International de Salah al-Din.
«Fière de rendre aux communautés des terres sécurisées»
© N. Mandalawi / HI
Il y a quelques années, Mawj Maad JarAllah a vu un de ses proches perdre une jambe après avoir marché sur un reste explosif. Aujourd’hui, elle travaille sans relâche pour permettre aux communautés de vivre en sécurité.
Aider mon pays
«En mars dernier, j'ai entamé un nouveau chapitre de ma vie en devenant démineuse pour HI. J'avais déjà travaillé dans le domaine de l'action humanitaire contre les mines, en menant des campagnes de sensibilisation aux risques liés aux restes explosifs (EORE) dans de nombreux villages.
Je veux que les gens soient plus en sécurité et je veux avoir un impact important en participant à de vraies opérations de déminage.
Je suis également directement concernée par la contamination : l'un de mes proches a perdu une jambe après avoir marché sur un reste explosif il y a quelques années. J'ai rencontré de nombreuses familles et entendu de nombreuses histoires d'enfants touchés par des incidents similaires au cours de mes sessions sur l'éducation au risque. Ces rencontres m'ont profondément marquée et m'ont fortement motivée à choisir cette voie.
Être une femme démineuse
Je n'ai pas hésité une seconde à rejoindre une équipe de déminage, un domaine encore fortement dominé par les hommes. Au début, j'ai dû faire face à une certaine résistance de la part de collègues masculins, ce qui n'était pas surprenant compte tenu des normes culturelles dans mon pays. Mais au fur et à mesure que le travail sur le terrain a commencé, la dynamique de l'équipe a changé et une forte camaraderie s'est développée entre nous tous.
Ma famille m'a incroyablement soutenue lorsque j'ai décidé de devenir démineuse. Je suis très motivée à l'idée de prouver que les femmes sont tout aussi capables que les hommes dans les opérations de déminage. Je suis fière de travailler comme démineuse et j'encourage activement mes amies à poursuivre une carrière similaire. C’est un travail gratifiant
Au cours des opérations de dépollution, je localise divers engins explosifs et je marque leur emplacement. Le chef d'équipe s’occupe alors de les sécuriser.
Ici, les opérations de dépollution sont vitales pour les agriculteurs qui possèdent les terres agricoles contaminées mais ne peuvent pas les utiliser, ainsi que pour les enfants qui peuvent accidentellement jouer dans des zones dangereuses.
Malgré la nature très risquée de mon travail, je ne me sens jamais effrayée ou stressée. J'aime mon travail, les succès que nous avons au quotidien, la possibilité de développer mes compétences... Le moment le plus gratifiant, c'est lorsque nous terminons une zone de déminage, que tout est sécurisé, et que nous pouvons passer à un nouveau terrain. C'est à chaque fois le sentiment important d’une victoire.»
«Déminer pour aider ma communauté»
© N. Mandalawi / HI
Istabraq a également été marquée par le drame vécu par l’un de ses proches, très gravement blessé par une mine. Tout comme Mawj, elle se félicite d’apporter une aide concrète aux personnes vivant dans des zones contaminées par des restes explosifs.
«J'ai rejoint l'équipe de déminage de HI en mars 2023. Auparavant, j'aidais à l’évaluation de la qualité des programmes humanitaires pour une autre ONG, ce qui m'a permis d'acquérir une connaissance précieuse sur les communautés de la région et sur le secteur humanitaire en général.
Je veux contribuer à ma communauté. Je pense qu'en tant que femme, je suis capable d'exceller dans n'importe quel domaine, même dominé par les hommes. J’ai été inspirée par une amie qui a été blessée par une mine et qui a perdu ses jambes. Cette histoire tragique a renforcé ma décision de devenir démineuse.
J'ai été formée par HI pendant un mois et demi. La formation a été un premier défi pour moi. Mais avec du temps et du dévouement, je me suis sentie peu à peu plus à l'aise dans ce travail exigeant et j'ai réussi l'examen final.
L'équipe de déminage fait partie de ma famille
L'équipe de déminage est rapidement devenue une famille pour moi. Les environs de Bajji, dans le gouvernorat de Salah Al-Din, où nous menons actuellement des activités de déminage, présentent des défis importants : la chaleur, le port d'équipements de protection individuelle lourds, etc., c’est épuisant. La poussière gêne souvent la visibilité, ce qui rend le travail encore plus difficile. Malgré ces difficultés, nous arrivons à sécuriser tous les engins dangereux : mines improvisées, restes d'explosifs, mines antipersonnel… tous les vestiges de la guerre.
Les opérations de déminage sont d'une grande importance pour les communautés, car elles permettent de rendre les terres cultivables, d'améliorer les moyens de subsistance des gens, de garantir la sécurité des personnes qui se déplacent dans la région.
Briser les barrières culturelles
Quand j’ai commencé ce travail, je me suis heurtée à la résistance de ma famille, en particulier de mon frère et de ma mère. Mais mon père ne m'a apporté que des encouragements et tout le soutien dont j’avais besoin. Au fil du temps, ma famille a soutenu ma décision. Ma mère prie tous les jours pour ma sécurité.
Si un jour on m’avait dit que je deviendrais experte en dépollution ! Ce travail me plaît d'une manière que je n'avais pas imaginée. Je me suis rendu compte que j’aidais vraiment, concrètement, les gens d’ici. Je veux accéder à des postes plus élevés au sein de l'équipe de déminage. Je veux avoir un impact encore plus fort sur le terrain.»
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