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« Nous nous relevons ensemble de la même tragédie »

Irak

En juin 2016, après deux ans de combats entre les forces irakiennes, kurdes et le groupe État Islamique, on compte plus de 3.4 millions de déplacés en Irak. Depuis le début de la crise, Handicap International intervient auprès de ces déplacés. Mais l’association compte aussi parmi ses employés des personnes qui partagent leurs conditions. Hareth, Zahra et Rana ont fui leur ville pour échapper aux combats et racontent leur histoire.

Zahra, 27 ans, assistante sociale

Zahra, 27 ans, assistante sociale | © E. Fourt / Handicap International

Zahra, 27 ans, assistante sociale

« C’est en juin 2014 que ma vie a changé. Je me souviens encore de ce jour comme si c’était hier. Nous avons entendu des coups de feu dans notre ville, suivis de bombardements. Ils étaient d’une telle intensité que nous ne pouvions même pas ouvrir notre fenêtre pour voir ce qui se passait. Puis, nous avons été informés par nos voisins que le groupe Etat Islamique était entré dans notre ville et que l’armée essayait de le repousser. Le même jour, mes parents ont pris la décision de quitter notre région. Nous avons tout laissé derrière nous et nous sommes partis… »

« Aujourd’hui, tous mes souvenirs sont détruits. Notre maison est infestée de bombes, qui exploseront si l’on tente d’y retourner. J’essaie de ne pas trop y penser et d’aller de l’avant, même si ce n’est pas toujours évident. Mon travail m’aide beaucoup. J’ai l’impression d’avoir commencé une nouvelle vie ici et je me sens proche des gens à qui je viens en aide. Comme moi, ils sont déplacés et comme mon père, ils sont handicapés. Je ressens ce qu’ils ressentent et parfois même sans paroles, on se comprend. J’essaie d’être aussi positive que possible, de leur donner de l’espoir. Et je tente de recréer avec eux de nouveaux souvenirs. »

« A travers mon travail, je souhaite transmettre un message à ces gens. Je veux leur faire comprendre que des personnes ont détruit nos maisons et nos vies mais que le meilleur moyen de faire face est de faire preuve de solidarité et de paix. Mon travail pour Handicap International n’aide pas seulement les autres, il me permet aussi de me reconstruire. Nous nous relevons ensemble de la même tragédie. »

Hareth, 31 ans, kinésithérapeute - spécialiste en prothèse et orthèse

« Il y a deux ans, alors que je rentrais chez moi j’ai vu des drapeaux du groupe Etat Islamique flotter dans les rues de ma ville, située dans le gouvernorat de Salah Al Din. Nous avons immédiatement décidé de fuir avec ma famille. Nous sommes d’abord partis nous réfugier dans la ferme de mon grand-père, située dans les environs. Mais très vite, le groupe est également arrivé dans le village et nous avons dû fuir à nouveau. Nous nous sommes alors installés dans le gouvernorat de Suleymaniah, où j’ai travaillé dans une clinique pendant quelques mois. Avant le conflit, j’étais spécialiste en prothèse et orthèse pour le ministère de la Santé Irakien. Je ne voulais pas que mon déplacement affecte le niveau de mes compétences. Alors, lorsque j’ai changé de région, j’ai essayé de continuer à pratiquer ma profession, même bénévolement. »


« Depuis quelques mois, je travaille comme kinésithérapeute pour Handicap International, dans le gouvernorat de Kirkouk. Lorsque je rencontre les personnes que nous aidons, je leur dis directement que je partage leur condition. Je ne veux pas qu’ils croient que j’ai pitié d’eux, je veux qu’ils sachent que nous sommes dans la même situation. Parfois, je rencontre même ici des personnes originaires de la même ville que moi. On se retrouve dans un autre contexte, mais on se connait déjà. Cela créé un lien difficilement explicable… Le conseil que j’aimerais donner aux autres déplacés internes est le suivant : 

La situation est ce qu’elle est et être triste ne nous aidera pas à avancer. Le meilleur moyen de s’en sortir est de ne pas trop penser au passé et de garder l’espoir que bientôt, tout va s’arranger. »

Rana, 30 ans, responsable projet « Assistance aux Victimes » 

 « Mon histoire est un peu particulière, car je suis originaire de cette région. Après mes études, j’ai travaillé ici pour différentes associations. J’y ai rencontré mon mari et nous sommes partis nous installer dans un autre gouvernorat, il y a quelques années de cela.  Lorsque le groupe Etat Islamique est arrivé dans notre ville, nous avons pris la décision de revenir à Kirkouk. J’ai immédiatement cherché à retravailler pour des ONG dans la région. Je ne le fais pas pour l’argent, je travaille pour que mes enfants soient fiers de ce que fait leur mère pour changer le monde. Je veux leur donner l’exemple d’une femme indépendante, qui a pour priorité de venir en aide aux autres. » 

« J’ai vécu des moments très forts, depuis que j’ai recommencé à travailler. Je me rappelle tout particulièrement de l’une de mes missions, dans un camp de déplacés de la région. Les personnes qui y vivent ont passé des mois, parfois même plus d’un an, dans des zones contrôlées par le groupe Etat Islamique. Dans le cadre de mon travail, j’étais chargée de traduire leurs témoignages. En écoutant leurs histoires, je sentais que je les aidais à se libérer des horribles images qui hantaient leur esprit. J’avais l’impression de les soutenir moralement et de comprendre exactement leurs sentiments. Ce fût un moment très fort pour moi. »

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