Quel processus politique pour mettre fin aux bombardements des civils
Anne Héry, directrice du plaidoyer à Handicap International, explique le travail mené par l’association concernant l’utilisation des armes explosives en zones peuplées et le choix du processus politique pour faire aboutir cette cause.
Anne Héry, directrice du plaidoyer à Handicap International | Handicap International
Comment travaille le service plaidoyer de Handicap International sur la question de l’utilisation des armes explosives ?
Nous suivons quatre directions majeures pour faire avancer cette cause : nous participons à de nombreuses rencontres internationales où nous pouvons discuter des bombardements de civils avec les délégations des Etats. Nous sommes, par exemple, présents à la première commission de l’Assemblée générale des Nations unies sur le désarmement qui se tiendra au mois d’octobre cette année à New York.
Parallèlement, les responsables plaidoyer de Handicap International rencontrent régulièrement des décideurs politiques, Nations-unies, Ministères, Parlements... A titre d’exemple, nous menons actuellement un intense travail de lobbying auprès des députés français de l’Assemblée nationale.
Nous publions régulièrement des rapports sur les effets de l’utilisation des armes explosives en zones peuplées, ses conséquences sur les civils. Ce travail d’enquête, d’information est essentiel pour interpeler les Etats et asseoir ce que nous revendiquons : la fin de l’utilisation des armes explosives en zones peuplées, la reconnaissance que cette pratique pose de graves problèmes humanitaires et la nécessité d’aider les victimes.
Enfin, un axe de travail primordial : notre concertation avec ce que nous appelons le « core group », un petit groupe d’Etats qui sous la houlette de l’Autriche se réunit tous les six mois environ avec la société civile pour élaborer une déclaration politique en vue de mettre fin à l’utilisation des armes explosives en zones peuplées.
Quel est le meilleur cadre politique pour faire avancer cette cause ?
Nous avons choisi de soutenir le travail du core group vers l’élaboration d’une déclaration politique. Ce qui, pour ce combat, nous semble plus adapté qu’un traité ou une convention – qui ont scellé nos précédents combats contre les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions. Il s’agirait d’une déclaration politique générale, non contraignante, qui réaffirme les obligations du droit international humanitaire et encourage les Etats à revoir et partager leurs pratiques militaires.
Certains Etats dont l’Allemagne semblent vouloir que les discussions sur l’utilisation des armes explosives en zones peuplées soient replacées dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques[1]. Nous pensons qu’il y a peu de chances que des discussions dans ce cadre aboutissent concrètement, car les décisions doivent faire l’objet d’un consensus, y compris par des Etats très réticents sur la question. Or, nous cherchons à obtenir des progrès tangibles le plus rapidement possible.
Comment se passe le dialogue avec les militaires, en premier lieu responsables de l’utilisation des armes explosives en zones peuplées ?
C’est l’autre grand défi du combat que nous menons : les militaires estiment prendre déjà toutes les précautions nécessaires pour protéger les civils et respecter le Droit International Humanitaire. Ils sont réticents à partager les pratiques militaires.
Le point positif, pour nous, est qu’en expliquant et précisant leurs pratiques, les militaires nous donnent une meilleure compréhension de la façon dont ils mènent des opérations en utilisant des armes explosives en zones peuplées. Cela nous permet d’être de plus en plus précis quand nous interpellons une armée, une coalition, que nous demandons des informations et des explications concernant le ciblage, le choix de l’arme explosive utilisée, le type de données récoltées pour évaluer les risques pour les civils... A terme, nous espérons leur faire prendre conscience qu’une déclaration politique contre les armes explosives en zones peuplées peut les aider à mieux se conformer aux obligations du Droit international humanitaire.
[1] La Convention sur certaines armes classiques est entrée en vigueur en 1983. Elle compte 125 Etats parties et 50 signataires. Elle a pour but d’interdire ou de limiter l’emploi de certains types particuliers d’armes réputées infliger des souffrances inutiles ou injustifiables aux combattants, ou frapper sans discrimination les civils. Il s’agit d’une convention-cadre à laquelle ont été annexés des protocoles.
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