Les attaques contre le personnel humanitaire et médical doivent cesser !
Manuel Patrouillard, Directeur général de Handicap International, a pris la parole au Conseil de sécurité de l’ONU le 1er avril pour réaffirmer la nécessité de mieux protéger les travailleurs humanitaires contre les violences et de garantir l’indépendance de l’aide humanitaire lors de conflits. Découvrez ici l'intégralité de son discours.
Intervention de Manuel Patrouillard au Conseil de Sécurité de l'ONU | © UN Web TV
Tout d’abord, j’aimerais saluer cette initiative conjointe de la France et l’Allemagne et vous remercier, Monsieur le Ministre, de l’invitation faite à Humanité & Inclusion (nouveau nom de la Fédération Handicap International) de témoigner ici des enjeux que représentent pour mon organisation le sujet de la protection des travailleurs humanitaires.
HI travaille depuis plus de 35 ans dans des contextes de conflits, auprès des personnes exposées aux risques et avec les personnes handicapées.
- Les besoins humanitaires dans 21 des 60 pays dans lesquels nous travaillons sont liés à des conflits.
- La sécurité des femmes et des hommes qui travaillent à mettre en œuvre nos projets est une préoccupation constante.
Pourquoi s’intéresser spécifiquement ici à la protection du personnel humanitaire ?
- Parce qu’ils se trouvent plus souvent exposés de par la nature de leur activité auprès des blessés et des plus vulnérables dans les zones les plus dangereuses.
- Parce qu’ils peuvent être ciblés en tant que tels et ceci est inacceptable.
- Mais aussi, et surtout, parce que leur protection est la condition du maintien d’un accès à des services essentiels et vitaux pour les populations affectées par des crises.
J’aimerais souligner ici plusieurs menaces, autant d’enjeux cruciaux pour un acteur de terrain comme HI.
La première des menaces est celle de l’instrumentalisation politique de l’aide humanitaire :
- L’assistance fournie ne doit être soumise à aucun autre objectif que l’impératif humanitaire.
- Lutte contre le terrorisme, enjeux de souveraineté, confusion entre objectifs militaires et humanitaires… aucun de ces agendas ne doit remettre en question l’absolue nécessité d’une aide impartiale, neutre et indépendante.
- Si les États sont responsables de l’application du Droit international sur leur territoire, le Conseil de sécurité a un rôle clé à jouer dans le rappel et la promotion des principes humanitaires, pour s’assurer qu’ils sont respectés dans les théâtres de crise.
- Vu du terrain, il ne s’agit pas seulement de grands principes théoriques, mais d’une nécessité au quotidien pour garantir la continuité de l’accès aux services essentiels et pour ne pas faire des travailleurs humanitaires une cible.
La seconde des menaces concerne les risques liés aux armes explosives qui font 90% de victimes civiles lorsqu’elles sont utilisées dans des zones peuplées.
- Est-il besoin de rappeler le décès récent d’une de nos consoeurs par un tir de mortier au Yémen ?
- Ou les innombrables destructions de structures de santé par des bombardements ou tirs en Syrie, Yémen, Irak, Afghanistan ?
- L’intensité avec laquelle des zones urbaines sont soumises à des pilonnages, élève le niveau de risque pour les populations civiles et pour les travailleurs humanitaires de façon effroyable, notamment pour les personnes en charge des premiers secours.
- L’effet est dévastateur pour l’acheminement de l’aide et pour l’accès aux services de base.
- Les niveaux de contamination engendrés par les restes explosifs constituent une menace pour tous sur le long terme.
- Nous attendons un engagement décisif de la communauté internationale contre l’utilisation des armes explosives à large impact en zones peuplées, conformément à l’appel du Secrétaire général des Nations Unies.
- En outre, l’action anti-mines, incluant l’éducation aux risques, la dépollution et l’assistance aux victimes doit être considérée comme partie intégrante des plans de réponse humanitaire.
Le troisième enjeu concerne les risques souvent accrus auxquels s’expose le personnel local des ONG internationales ou locales :
- Ils sont souvent au cœur de la réponse humanitaire et les mieux placés pour assurer la continuité de l’aide auprès des communautés, notamment dans cette transition vers des contextes post-crises où la vulnérabilité des populations reste élevée.
- Or, ceux-ci font face à des risques spécifiques liés à leur mandat humanitaire : assassinats, blessures, arrestations arbitraires, condamnation à de lourdes peines de prison, déplacements…
- Ils doivent pouvoir être protégés, par exemple quand la zone où ils travaillent change de contrôle, et pouvoir continuer à travailler s’ils le choisissent.
- La communauté internationale porte une responsabilité collective pour renforcer leur protection, alors que la localisation de l’aide est partout à l’ordre du jour.
- La mise en place d’un mécanisme inter-agences d’évacuation et de protection est une des pistes à creuser.
En conclusion, je souhaiterais lancer un appel solennel dans cette enceinte :
- Les attaques contre le personnel humanitaire et médical doivent cesser.
- Le Conseil de sécurité et l’ensemble de la communauté internationale doivent se mobiliser pour dénoncer et condamner systématiquement les attaques et y mettre un terme.
- Le Conseil de sécurité doit soutenir la mise en place de solutions concrètes pour renforcer la protection des travailleurs humanitaires :
- à travers la mise en place d’un mécanisme indépendant rattaché au Secrétaire général des Nations Unies et chargé de recenser les attaques contre le personnel humanitaire et médical, en assurer le suivi auprès des autorités concernées et mettre fin à la culture de l’impunité ;
- en facilitant la prise en compte des enjeux spécifiques de protection des travailleurs humanitaires dans les mesures visant à protéger les civils et garantir leur sécurité, leur protection et leur liberté de mouvement dans les accords de cessez-le feu, trêves, accords de réconciliations ou de paix.
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